Dans le quotidien chilien El Mercurio, le 12 avril 1981, l’économiste Friedrich Hayek, pape de l’ultralibéralisme, théoricien de «l’État minimal», inspirateur de Reagan et Thatcher, faisait en ces termes l’éloge des politiques économiques du dictateur Pinochet : «Personnellement, je préfère un dictateur libéral plutôt qu’un gouvernement démocratique manquant de libéralisme». La loi du profit maximum ne s’embarrasse pas d’états d’âme sur les violations des droits humains et la démolition des libertés individuelles et collectives. Elle s’accommode parfaitement du fascisme. Partout où il s’est emparée du pouvoir, l’extrême droite n’a pu le faire qu’avec la complicité des élites capitalistes. Hitler serait probablement resté un agitateur de brasserie s’il n’avait bénéficié, au début des années 1920, de solides appuis parmi de gros industriels et propriétaires fonciers. L’ascension de Mussolini, vulgaire fauteur de rixes, est l’œuvre d’une grande bourgeoisie affolée par le «péril rouge». Ces logiques sont toujours opérantes. Donald Trump, entrepreneur véreux, est la créature des milliardaires de la Silicon Valley, qui ont fait de lui un pantin appelé à servir les destins de leur dystopie technofasciste. Les capitalistes français ne sont pas taillés dans une autre étoffe, eux qui se sont donné comme slogan dans les années 30, «plutôt Hitler que le Front populaire». Et aujourd’hui le RN est parfaitement disposé à défendre les intérêts des ultra-riches. Le masque «social» de Marine Le Pen, n’en finit plus de se désagréger. L’abstention des députés de son parti sur la proposition de loi sur la modeste taxe Zucman, fut un moment de vérité. En temps de crise, le rôle assigné à l’extrême droite est simple : dissoudre la conscience de classe, les aspirations à l’égalité et à la justice sociale, dans la haine de l’autre, de l’immigré, du plus faible, pour mieux diviser le peuple.
Le piège Bardella-Le Pen fonctionne à plein. La question est la suivante : faut-il maintenir la course insensée aux profits délirants d’une toute petite minorité, qui saccagent l’homme et la nature, au risque de (re)faire basculer nos sociétés dans ses démons que sont la guerre et le fascisme ? Ou faut-il bifurquer et inventer des politiques à même de résoudre les multiples crises économiques, démocratiques, environnementales de notre époque ? Regarder dans le rétroviseur permet à chacun-e d’y répondre.